Murat-sur-Vèbre

La tour de Boissezon

Comment était le château seigneurial de Boissezon-de-Masviel ?

Avant son démantèlement au lendemain de la Révolution française, le château s’élevait sur un promontoire dominant une boucle du Rieu-Pourquié.
Ce promontoire était accessible depuis le village en son point le plus bas, et formait un plan incliné qui se terminait par une masse rocheuse dont il ne reste aujourd’hui qu’une petite partie sur laquelle s’élève la tour. 
Sur cette photographie des années 1896-1897, le rocher à l’extrémité du promontoire a conservé l’essentiel de son aspect originel, avant qu’il ne soit  utilisé dans le four à chaux construit sur place.

Au fil des siècles ...

C’est probablement sur ce rocher, point stratégique de la vallée, que s’élevait le château primitif cité en l’an 966. Au fil des siècles les seigneurs du lieu adaptèrent la bâtisse aux nécessités de l’époque pour donner la description qu’en fait Jacques de GÉNIBROUSE, vicomte de Boissezon, en 1672 :  « … j’ai un château noble, en lieu éminent, près ledit lieu de Boissezon, avec tours, basse cour, garennes, fossés et jardins contenant trois cestérées ( 17 000 m2) confrontant de levant la rivière de Rieu Pourquié, de midi le chemin qui va dudit lieu de Boissezon audit château, de couchant les terres des héritiers de Guillaume Viala, de septentrion  ladite rivière ».

Quelques décennies plus tard, le compoix de 1719 décrit plus précisément l’habitation seigneuriale de son fils, « Messire Bernard de Génibrouze, viscomte de St Amans,  seigneur de Boissezon, Lédergues et autres places : Un château, escueries et cour audit Boissezon, confronté du levant à  midy ruisseau du Rieu Pourquié, couchant pateux, bize le Sieur Pierre Guiraud, contient le sol du château septante canes ( 276,5 m2), escuerie vingt quatre canes ( 94,6 m2), la cour vingt-huit canes ( 110,6 m2) … »

Proposition de restitution

D’autres témoignages viendront, au cours du XIXe siècle,  compléter ces informations, et tout particulièrement celui de Victor RASCOL, médecin à Murat : « C'était cinq tours rondes, reliées entre elles par de lourdes constructions massives, au milieu desquelles était percée la porte extérieure s'ouvrant sous une som­bre voûte; au bout de cette voûte était le pont-levis, qu'il fallait passer pour arriver à la seconde porte qui donnait entrée au châ­teau. Cet ensemble de constructions formait un front de défense formidable en croissant, dont la tour qui reste occupait l'extrémité sud ; cette dernière, comme-celle qui était à l'extrémité opposée, repose sur le rocher massif. »
Plan hypothétique du château de Boissezon-de-Masviel à la fin du XVIIIe siècle : 1-Basse cour et accès depuis le village, 2-Barbacane avec fossé et pont-levis, 3-Haute cour, 4-Ecuries, 5-Appartement bas, 6-Logis seigneural


 

La château à la fin de l'Ancien Régime

Pour atteindre le logis du seigneur, depuis le village, il fallait gravir la basse-cour en pente. Cette basse-cour tenait aussi lieu de cimetière, principalement pour les membres protestants de la famille seigneuriale: La construction du four à chaux a mis à jour de nombreux restes funèbres.
La première porte s’ouvre dans une sombre voute traversant un avant-corps, probablement du même type que celui décrit à l’entrée de l’ancienne citadelle de Viane, et présent dans de très nombreuses fortifications.

Un appartement bas, un logis seigneurial ...

Dans la restitution proposée, la disposition des cinq tours rondes s’appuie autant sur les témoignages que sur les grands principes de la castellologie. Ainsi, la tour proche du pont levis est avant tout destinée à protéger la seconde porte ; sa disposition latérale  permet d’atteindre le flanc droit de l’assaillant, généralement non protégé par son bouclier. Une organisation identique peut être observée non loin, au château médiéval de Blanc, en Aveyron.
Le climat rigoureux des monts de Lacaune tend à privilégier  une toiture en ardoise ou en lauzes pour ces tours rondes, et une bonne évacuation pour l’eau et la neige.

Gargouille provenant du sommet de la tour actuelle (grès rose ; longueur 1m)









Une fois le fossé franchi par le pont-levis, les corps de bâtiment composant le château s’articulent autour de la petite cour intérieure, ou  haute-cour .
Un devis de réparations datant de 1739 indique que le logis est en fait composé de deux constructions comportant  chacune au moins un rez-de-chaussée et un étage avec plancher en bois: Le plus petit, si l’on en croit la description qui en est faite, est désigné par « appartement bas », et sa muraille maîtresse est du côté du précipice, tandis que le plus grand est appelé « le château » et sa toiture nécessite 60 canes de planches (237m2).  Ceci confirme que ce «château », demeure seigneuriale par excellence, se réserve la position dominante sur le rocher, tandis qu’ en contrebas comme son nom l’indique, l’appartement bas est tout au nord pour être adossé près du « précipice », cette dénomination désignant non seulement la topographie du lieu mais aussi l’appellation cadastrale de ce versant nord. Ceci permet de positionner cet appartement probablement attribué aux gardes ou domestiques. Enfin, les écuries viennent naturellement se placer près de l’entrée de la cour.
Nous disposons de quelques éléments sur le logis seigneurial, perché sur le rocher. Son accès se fait par un escalier extérieur dont les marches en pierre seront pillées à la Révolution. Le devis de 1739 indique qu’au premier niveau, se trouve la salle, et que par une grande porte double on passe au salon, puis à la cuisine. Depuis la salle, par un escalier en bois de 27 planches doubles, on arrive à l’étage où se trouvent quatre chambres dans lesquelles on pénètre par quatre grandes portes doubles
 
De tout cela il ne reste plus rien, si ce n’est quelques pierres réemployées dans les maisons du village et une tour qui défie le temps.




Encadrement d’une fenêtre du village de Boissezon probablement réalisé à partir de fragments de différentes ouvertures du château.